Descendants de l’ombre, les cotraitants

Originaires aussi du Val de Travers comme la famille d’Henri Grandjean des environs de la Sagne, des Ponts de Martel et du Locle, d’autres « Grandjean » perpétuent l’aventure horlogère et ajoutent quelques perles historiques à l’histoire familiale.

Paul Albert Grandjean

Egalement originaire de la Côte-aux-Fées (Val de travers), Paul Albert Grandjean, père de six enfants, était un homme humble, pétri de bonté et de discrétion. Un homme très croyant. Il incarne le célèbre esprit des faiseurs de l’horlogerie, prompts à s’effacer pour laisser toute la lumière à leurs marques. Il met son parcours professionnel au service du produit fini, œuvrant comme directeur de production – bras droit de la direction – de l’entreprise Eigeldinger & Cie SA, à La Chaux-de- Fonds, propriétaire et fabricante entres autres de la marque Solvox.

Quand il décide de se mettre à son compte, Eric-Marcel Grandjean, fils de Paul-Albert Grandjean, transforme l'entresol de la maison familiale en atelier d'horlogerie. A gauche, son associé Charles Albert Grandjean (fondateur de Gravelec), sa maman Mme Suzanne Grandjean née Balmer et, au premier plan à droite, André Grandjean devenu Pasteur en Côte d'Ivoire, père de l'actuel gardien de la marque Joël A. Grandjean
Photo de Paul Albert Grandjean, 1955-1956

Eric Marcel & Charles Albert Grandjean

Dans le courant des années 1950, sous l’impulsion de Eric Marcel Grandjean, l’aîné des frères, une entreprise familiale voit le jour dans un sous-sol et se développe dans l’entresol du 2 de la rue de l’Epargne à La Chaux-de-Fonds. Spécialisée dans la manufacture de boîtes de montres et dans la gravure horlogère, elle deviendra Grandjean & Cie en 1973. Le frère cadet Charles Albert Grandjean est associé et cofondateur. Il aura en charge le département de gravure ainsi que la gestion administrative de l’entreprise, laissant à son aîné Eric Marcel la direction opérationnelle ainsi que le principal de la création.

A cette époque, le métier de designer horloger n’a pas été encore reconnu comme tel. La mission du design est donc souvent dévolue aux fabricants de boîte de montres qui, soit disposent eux-mêmes d’un sens esthétique propre voire d’un département de création. C’est le cas chez Grandjean & Cie où quatre personnes sur les quelques 120 ouvriers que compte la Manufacture, bien avant l’arrivée des ordinateurs dans les process de l’avant production, se consacrent exclusivement à la conception de nouveaux dessins de boîtes et de bracelets. Eric Marcel Grandjean, lui-même esthète, n’hésite pas à prendre le crayon ou à recevoir les dessinateurs indépendants qui, pour vendre ici un dessin, là une idée, font le tour de toutes les fabriques de boîtes ou de cadrans. Parmi eux Gérald Genta à ses débuts, avant que son talent ne lui apporte une reconnaissance internationale (Royal Oak, Nautilus, IWC-Ingénieur, et ses propres modèles).

Durant plus de 40 ans, jusqu’à sa vente au Movado Group – client historique de l’entreprise grâce à l’amitié entre Gedalio (alias Gerry) Grinberg et Eric Marcel Grandjean – Grandjean & Cie sera le fournisseur en boîtes et bracelets de montres pour plus d’une cinquantaine d’enseignes horlogères de prestige. On doit à ce fleuron de l’industrie chaux-de-fonnière et à ses frères et sœurs fondateurs, plusieurs pièces de légendes dont la plus audacieuse reste la célèbre ‘casquette’ de Girard Perregaux.

 

La fabrique de boîtes de montre Grandjean & Cie SA, fondée par Eric-M. et Albert-C. Grandjean, Rue des Champs 24 à La Chaux-de-Fonds (Neuchâtel)

Gravelec

Quant au département gravure dont Charles Albert Grandjean avait la direction, il se détachera avant la vente de Grandjean & Cie pour devenir l’entreprise Gravelec, encore très active et très respectée au sein du secteur, notamment au travers de ses designs célèbres de squelettage de calibres horlogers. La fille du fondateur, Eliane Magnin née Grandjean, vient d’en céder la présidence et la direction opérationnelle à Jonas Magnin, l’un de ses fils.

Innovation

Bien que ne disposant pas de sa marque éponyme, Eric Marcel Grandjean innove sans cesse, et parfois sur des territoires où on ne l’attend pas. Ainsi, c’est en tant que boîtier qu’il dépose, avec l’aide du regretté horloger talentueux Jean-Claude Nicolet, décédé en 2017, premier prix Gaïa en 1993, un brevet portant sur la toute première montre mécanique disposant d’un rotor frontal, partie intégrante d’un cadran devenu mouvement. A sa mort, le brevet ne sera pas renouvelé, laissant à d’autres le soin d’exploiter cette invention.

Première montre mécanique à remontage automatique de l'histoire horlogère disposant d'un rotor visible sur la face avant

Joël A. Grandjean, gardien de la marque

Interpelé par une forme de boîte que son oncle a dessinée pour Universal Genève, mais dont la commande n’a jamais abouti, il entreprend de la faire revivre. Ainsi, après la mort de son oncle, entre les années 1998 et ce jour, une production de 10 pièces baptisées Margand (en hommage à ses parents, Marguerite et André), cinq modèles hommes et cinq modèles femme, voit le jour. Il s’agit des références «Grandjean, Horlogers Genève», modèle JAG2117 et JAG2115, en allusion à ses initiales suivies des deux numéros postaux de ses communes d’origine, La Côte-aux-Fées et Buttes.

En parallèle, Joël A. Grandjean est journaliste spécialisé horlogerie et depuis juin 2019 éditeur et rédacteur en chef du JSH Magazine (Journal Suisse d’Horlogerie, le plus ancien magazine horloger suisse créé en 1876). Sous l’égide de TàG Press +41, News Agency, son agence de presse indépendante, il sera auparavant, de 2011 à 2014, Rédacteur en chef de plusieurs magazines horlogers suisses de référence: Magazine Heure Suisse, Heure Schweiz Magazin, Année Horlogère Suisse (F, D et E), ainsi que d’avril 2013 jusqu’à mars 2017 du média online bilingue Watchonista.com. Il engage régulièrement les plumes les plus réputées de la presse horlogère positionnant TàG Press +41 comme fournisseur de contenus journalistiques à une vingtaine de médias suisses et internationaux. Président fondateur de l’association ProWatCH (pour la promotion de la culture et des savoirs horlogers suisses), Joël A. Grandjean, co-fondateur avec Kenan Tegin en 1993 du magazine Montres Passion (Groupe Ringier) et du prix Montre de l’Année, est membre de la SSC, Société Suisse de Chronométrie ainsi que membre du jury du prestigieux prix Gaïa (Musée International de l’Horlogerie, La Chaux-de-Fonds). Avec le très indépendant bloghorloger.ch depuis 2003, l’une des premières voix indépendantes et libres de l’horlogerie, il reste l’un des premiers journalistes à s’aventurer sur la blogosphère. L’aventure continue au travers du Swiss-Watch-Passort.ch

Désireux de perpétuer les valeurs patrimoniales héritées de ses ancêtres horlogers, il fait protéger la marque Henri Grandjean. Son fils aîné, Dave-William Grandjean, en sa qualité d’Historien en patrimoine industriel, d’ancien de Jaeger LeCoultre et d’ex conservateur du Musée d’Horlogerie de la Vallée de Joux (L’Espace Horloger au Sentier), est l’actuel conservateur adjoint du Musée Audemars Piguet. Il a également permis, durant ses études et au fil d’une recherche indépendante de localiser grâce à ses recherches certains documents très rares et précieux utiles à la relance de la marque Louis Moinet. Quant à son fils cadet Ralf-Arnaud Grandjean, passionné d’horlogerie également, il dispose de compétences précieuses en systèmes d’information (Master HEC). Sa participation à l’aventure est décisive.

Au-delà des mots, des concepts, l’histoire Henri Grandjean offre un vaste univers d’exploration en matière de positionnement de produits, de constitution de catalogue horloger. Les valeurs héritées offrent des lignes directrices, des territoires à défricher, à cultiver. Chacune d’entre elles laisse entrevoir les options à privilégier en matière de positionnement produit et de valeur. Le maître mot restant la légitimité.

Joël A. Grandjean